25/05/2010
- Air extérieur
Air Pays de la Loire a réalisé une étude de modélisation et de cartographie de la qualité de l'air sur le territoire urbain de l'agglomération de Saint-Nazaire. L'étude permet notamment de situer les différents niveaux d'exposition aux polluants atmosphériques selon les quartiers en fonction du trafic automobile et de l'activité économique.
contexte : des attentes locales et nationales
Air Pays de la Loire a proposé à la Communauté d’Agglomération de la Région Nazairienne et de l'Estuaire (CARENE) une étude de modélisation et de cartographie offrant ainsi une évaluation globale de la qualité de l’air sur la partie urbaine de l’agglomération. En effet, la modélisation complète la surveillance par les stations fixes en fournissant une information en tout point du domaine. L’étude de modélisation répond à plusieurs attentes : Le Plan de Protection de l’Atmosphère de Nantes Saint-Nazaire, adopté le 30 août 2005, demande un recensement des voies routières génératrices de concentrations élevées de polluants. Ce recensement a été en partie réalisé sur Nantes mais quasiment aucune donnée n’est disponible sur Saint-Nazaire ; Le PSQA (Programme de Surveillance de la Qualité de l’Air) des Pays de la Loire, adopté en novembre 2005, prévoit une modélisation des principales rues des centre villes dans les zones urbaines de la région ; Selon la Directive Européenne 2008/50/CE, la surveillance doit permettre de fournir des renseignements sur le niveau d'exposition de la population mais également dans les endroits où s'observent les plus fortes concentrations auxquelles la population est exposée pendant une période significative. Des indicateurs de la superficie des zones et du nombre d’habitants exposés à des dépassements des valeurs limites sont exigés tous les ans par l’Union Européenne via le Ministère en charge de l’écologie (MEEDDM). En agglomération urbaine, la dégradation de la qualité de l’air et les risques de dépassement des seuils réglementaires sont principalement observés à proximité des axes de circulation. La ville de Saint-Nazaire est également potentiellement exposée aux activités de la zone industrialo-portuaire. Le projet d’étude épidémiologique ELFE qui consiste, pour l’aspect qualité de l’air, à un suivi au plan national de l’exposition d’une cohorte de 20 000 enfants en France de la naissance à l’âge adulte nécessitera la mise en place de systèmes opérationnels de modélisation en particulier en milieu urbain. L’étude sur Saint-Nazaire en 2008 constitue un point de lancement de l’application des travaux ELFE sur l’agglomération.
objectifs : évaluer la qualité de l’air à l’échelle de la partie urbaine de la CARENE
Les objectifs de l’étude tels qu’ils ont été présentés et affinés lors de la réunion avec les services de la Communauté d’Agglomération de la Région Nazairienne et de l'Estuaire du 3 octobre 2007 sont :
- cartographier la qualité de l’air sur la partie urbaine de la CARENE (Saint-Nazaire – Pornichet- Trignac) ;
- comparer les niveaux de pollution avec les seuils réglementaires ;
- identifier les zones les plus exposées et les secteurs préservés ;
- évaluer l’impact des activités spécifiques de la zone industrialo portuaire ;
- contribuer à une aide à la décision pour la CARENE par une intégration des enseignements de l’étude dans les projets de développement de l’agglomération.
moyens : modèle ADMS-urban
période d’étude : année 2008
L’étude de modélisation a été mise en œuvre sur l’année la plus récente au lancement du projet soit 2008 de manière à fournir une information la plus à jour possible. Ce choix a également permis de valider les résultats du modèle sur un site de trafic. En effet, l’avenue de la République à Saint-Nazaire a été instrumentée durant toute l'année 2008.
domaine d’étude : partie urbaine de la CARENE
Le périmètre de l’étude est celui des trois communes de Saint-Nazaire, Pornichet et Trignac. Toutefois le domaine de calcul a été étendu à l’Est de manière à prendre en compte les sources explicites des communes de Donges et Montoir-de-Bretagne.
Le réseau de mesure d'Air Pays de la Loire dans ce périmètre se compose d'une station de trafic (République), de deux stations urbaines (Léon Blum et Parc Paysager), d'une station périurbaine (Emile Outtier) et d'une station industrielle (Jules Verne).
modèle : ADMS-urban
Le modèle mis en œuvre est le système de référence ADMS (Atmospheric Dispersion Modeling System) développé en Grande Bretagne par le CERC (Cambridge Environmental Research Consultants). Il s’agit d’un modèle gaussien de seconde génération qui utilise une description continue de la couche limite plutôt que les classes de stabilité de Pasquill.
méthodologie : préparation du modèle
La mise en œuvre du modèle ADMS-urban sur l’année 2008 a nécessité des travaux préliminaires sur les données d’entrée (émissions du trafic et industrielles, topographie des rues, météorologie, pollution de fond) comme sur le maillage définissant la résolution des cartographies de résultat.
La constitution des inventaires routiers (1 438 sections de voies) et industriels (34 émetteurs ponctuels) est la première étape de ces travaux préparatoires. Elle consiste en un recensement des sources avec leurs caractéristiques topographiques et une description des émissions. Les émissions liées au trafic maritime n’ont pas été prises en compte, aussi la représentation cartographique présente par défaut un niveau de fond urbain sur la zone océanique. De même, les émissions de poussières totales dues aux opérations de déchargement des navires n’ont pas été modélisées en l’absence de données précises pour les caractériser. Les conditions météorologiques ont été obtenues à partir des mesures de la station Météo-France de Gron à Montoir-de-Bretagne et des simulations du modèle météorologique de la plate-forme régionale de prévision IRIS. La pollution de fond urbaine a été caractérisée par la station urbaine Léon Blum à Saint-Nazaire. Le maillage de sortie a fait l’objet d’une étude dans le but d’obtenir un rendu cartographique réaliste. Enfin, un calcul de la population exposée à un dépassement de valeur limite a également été réalisé pour le dioxyde d’azote. Une méthodologie a été définie afin d’affiner le plus précisément possible cette estimation.
validation : calage du modèle
L’étape de préparation des données d’entrée achevée, les résultats ont été validés suite à l’ajustement des paramètres du modèle sur la base de scores d’évaluation de l’accord mesure-modèle sur les stations urbaines du réseau d’Air Pays de la Loire. Cette validation a conduit à la sélection de valeurs des paramètres déterminant les concentrations sur la partie urbaine de la CARENE :
- paramètres indépendants du temps : rugosité, stabilité de l’atmosphère caractérisée par la LMO (longueur minimale de Monin Obukov) ;
- paramètres dépendants du temps : pollution de fond, météorologie, profils d’émission.
À titre d’exemple, les biais normalisés annuels correspondant au paramétrage final sont représentés ci-dessous pour le dioxyde d’azote :
Ils n’excèdent pas en valeur absolue le seuil de 30% requis par la directive européenne pour le dioxyde d’azote.
résultats : cartographies annuelles
Les cartes ci-dessous représentent la moyenne annuelle des principaux polluants atmosphériques.
dioxyde d’azote : dépassement de la valeur limite aux abords des grands axes de circulation
Il apparaît sur cette carte que les zones se situant à proximité des axes à forte circulation approchent la valeur limite annuelle fixée à 44 µg.m-3 en 2008. Il s’agit des voies rapides (RD 213, RN 171 et RN 471) et du boulevard de contournement RD492. La commune de Trignac se trouvant au croisement de deux d’entre elles apparaît influencée par celles-ci. Pornichet est plus préservée de la pollution par le dioxyde d’azote sauf sur le boulevard de l’Océan et les deux grandes voies d’accès au centre-ville.
Du fait de la densité des voies de circulation, la partie urbaine de Saint-Nazaire présente un niveau moyen supérieur à 18 µg.m-3 soit 40 % de la valeur limite alors que la majorité du territoire des trois communes reste largement en dessous des 9 µg.m-3 soit 20 % de la valeur limite. Il existe des zones préservées comme le littoral de Saint-Marc à Ville-es-Martin qui correspond à des quartiers résidentiels. Sur cette carte, les concentrations de l’espace maritime doivent être considérées comme proches de la valeur nulle étant donné l’absence de source de proximité. Le front de mer (bd Albert 1er et bd du président Wilson) et les grands carrefours comme la place François Blancho apparaissent comme plus exposés. Selon l’agence européenne pour l’environnement, la moyenne des stations de fond de l’Union Européenne se situait en 2006 à 27 µg.m-3 et 80 % d’entre elles se trouvaient dans la plage de concentration de 20 µg.m-3 à 40 µg.m-3 soit juste en dessous de l’objectif de qualité comme le montre ce graphique :
La grande majorité de la zone d’étude se trouve donc au niveau des 10 % de sites les moins pollués alors que la partie urbaine de Saint-Nazaire se situe dans la partie inférieure de l’intervalle de confiance à 80 % autour de la moyenne. Enfin, les zones se trouvant à proximité des grands axes dépassent l’objectif de qualité (40 µg.m-3). Le quartier de l’avenue de la République se trouvant à l’entrée de la pénétrante (RN 471) dans un réseau dense de voiries présente un niveau moyen mesuré en 2008 par la station d’Air Pays de la Loire dépassant la valeur limite annuelle en dioxyde d’azote (44 µg.m-3).
Suite à ce constat, une évaluation de la population de la CARENE exposée à ce dépassement a été réalisée. La zone en dépassement est représentée en jaune sur la carte ci-dessous :
Le croisement avec la population répartie sur le bâti conduit à une estimation d’environ 2,4 % soit 2 000 résidents exposés au dépassement de la valeur limite annuelle pour le dioxyde d’azote. Ces informations ont été rapportées à l’Union Européenne en 2009. L’agence européenne pour l’environnement a évalué que la population urbaine de l’Union était exposée à un dépassement de l’objectif de qualité était passé sous la barre des 18 % en 2006.
ozone : des niveaux homogènes
La carte apparaît relativement uniforme ce qui témoigne du fait que l’ozone est un polluant à grande échelle. Les zones à forte densité de trafic bénéficient d’une concentration moyenne annuelle légèrement plus faible que le reste du domaine. Cela s’explique par la consommation d’une partie de l’ozone par réaction avec les polluants primaires émis par les véhicules.
poussières fines : atteinte de l’objectif de qualité à proximité des principales voies de circulation
Compte tenu de l’inventaire disponible, les niveaux en poussières fines sont proches de l’objectif de qualité s’élevant à 30 µg.m-3 autour des voies de fort trafic (RD213, RN171, RN471, RD492) mais ne le dépassent pas. Le reste du domaine se situe assez uniformément entre 15 et 20 µg.m-3 ce qui atteste le fait que la pollution par les poussières fines est un phénomène à grande échelle.
dioxyde de soufre : un niveau moyen très faible et assez homogène
Les concentrations de dioxyde de soufre simulées sont très faibles puisqu’elles atteignent au maximum entre 10 % et 15 % de la valeur limite annuelle. En revanche, l’étude des niveaux de pointe montre l’influence locale de la raffinerie de Donges sur la partie nord-est de Trignac. Cette influence reste toutefois limitée puisque les valeurs des percentiles 98 (valeur de pointes) dépassent seulement les 20 µg.m-3 soit 6 % du seuil de recommandation et d’information.
Alors que l’influence du réseau routier n’est ici pas perceptible, celle de l’activité industrialo-portuaire, dont celle de la raffinerie de Donges, combinée aux conditions météorologiques (flux de sud-ouest majoritaire) est présente sur cette carte comme le montre le gradient de concentrations du Sud-Ouest au Nord-Est. En effet, le Sud-Ouest du domaine apparaît plus préservé avec des niveaux de pointe entre 10 et 15 µg.m-3 alors que le Nord-Est du secteur se situe entre 15 et 20 µg.m-3.
benzène : dépassement local de l’objectif de qualité
Le benzène se retrouve à proximité des voies de circulation mais les niveaux moyens atteints sont très en deçà de la valeur limite fixée à 7 µg.m-3 en 2008. L’objectif de qualité (2 µg.m-3) est lui atteint sur la pénétrante de Saint-Nazaire (RN 471).
De plus, la carte de niveaux de pointe montre que certaines zones aux abords des voies à forte circulation peuvent ponctuellement faire l’objet d’élévation importante des concentrations sans pour autant atteindre le seuil de 25 µg.m-3 fixé par le Conseil Supérieur de l’Hygiène Publique de France. Il s’agit des voies rapides (RD213, RN171, RN471), du boulevard de contournement (RD492), des boulevards côtiers de Pornichet (bd de l’Océan) et de Saint-Nazaire (bd Albert 1er et bd du président Wilson).
monoxyde de carbone : des concentrations très faibles même près des axes à fort trafic
Les teneurs en monoxyde de carbone sont faibles en moyenne sur l’année 2008 puisqu’elles ne dépassent que très rarement les 500 µg.m-3 soit 5 % de la valeur limite aux abords des axes structurants.
conclusions et perspectives : campagne de mesure
Grands axes de circulation
Cette étude a permis d’évaluer la qualité de l’air sur le territoire urbain de la CARENE. Les niveaux moyens des principaux polluants n’excèdent pas les seuils réglementaires sauf en certaines zones se trouvant aux abords des grands axes de circulation qui bénéficient d’une qualité de l’air dégradée. C’est par exemple le cas pour le dioxyde d’azote pour lequel une population estimée à 2 000 habitants est exposée au dépassement de la valeur limite annuelle.
Zone économique industrialo-portuaire
Concernant les activités industrielles du port de Saint-Nazaire l’inventaire des données d’émissions actuellement disponibles n’a pas permis d’établir d’impact ; les émissions du trafic routier étant prépondérantes. Il conviendrait toutefois de le confirmer en réalisant une campagne de mesure dans les quartiers avoisinants comme la ville-port ou Penhouet, par exemple, en complément des campagnes de surveillance de la pollution dans l'environnement industrialo-portuaire de Saint-Nazaire déjà menées en 2002 et 2003 ou en menant une étude de modélisation plus fine sur la zone en prenant en compte notamment les poussières totales émises lors des opérations de déchargement des navires qui constituent une forte préoccupation des nazairiens. Par ailleurs, une légère influence de la raffinerie de Donges pour le dioxyde de soufre a été modélisée dans la partie Nord-Est de la commune de Trignac où les niveaux de pointes sont plus élevés de 30 % par rapport au reste du domaine étudié.
Zone côtière
Cette étude fait également ressortir les boulevards côtiers de Pornichet et Saint-Nazaire comme présentant des niveaux de dioxyde d’azote et de benzène deux fois plus élevés. L’étude construite pour le calcul d’indicateurs annuels ne permet pas à ce stade de valider l’hypothèse d’une augmentation des niveaux de polluants liée à la hausse de trafic lors de la saison estivale... Il serait pertinent de réaliser une étude de modélisation spécifique avec notamment des comptages plus précis permettant de distinguer les mois d’été ou de mettre en place une campagne de mesure pendant et en dehors de la saison touristique.
Perspectives
Les résultats de cette étude ont fait l’objet d’une validation par comparaison des mesures aux simulations du modèle sur la base du réseau de mesure existant. Cependant, celui-ci ne couvre pas complètement l’ensemble du domaine modélisé. En particulier pour le dioxyde d’azote qui présente des probabilités de dépassement de valeurs seuils, il pourrait être envisagé de mettre en œuvre une campagne de mesure sur une trentaine de sites environ afin de compléter l’évaluation. Plus spécifiquement c’est en ce sens qu’Air Pays de la Loire projette la mise en place annuelle d’un laboratoire mobile à proximité de la RN171 sur la commune de Trignac dans une des zones exposées aux dépassements de la valeur limite pour le dioxyde d’azote.
La CARENE a lancé en 2009 un projet renouvelant en profondeur l’offre de transports collectifs urbains. La refonte totale du réseau de bus qui s'appuiera sur une nouvelle ligne « épine dorsale » traversant d'Est en Ouest le cœur de Saint-Nazaire, vise à proposer, là où les besoins de déplacements sont les plus importants, une desserte en bus particulièrement efficace, dotée d'une bonne fréquence sur des horaires élargis, confortable et complètement fiable (grâce aux couloirs sur certains tronçons et aux priorités aux feux). Ce projet devrait avoir une influence positive sur la qualité de l’air de l’agglomération. A son issue, une évaluation de la qualité de l’air est à envisager par de nouvelles mesures avenue de la République et une nouvelle modélisation pour le territoire de la CARENE.