Évaluation de la qualité de l'air intérieur dans l’école primaire mixte Jules Ferry à Mayenne, 2012-2013

contexte : préserver la qualité de l'air intérieur : un enjeu de santé publique

A la demande de la ville de Mayenne, membre de l’association, Air Pays de la Loire a mis en œuvre en 2012 et 2013 une campagne de mesure de l’air intérieur dans l’école primaire mixte Jules Ferry de Mayenne. Cette étude s’inscrit dans un contexte de prise en compte par la collectivité de la qualité de l’air intérieur comme enjeu de santé publique. La surveillance et la préservation de la qualité de l’air intérieur font en effet l’objet d’orientations et d’actions du grenelle de l’environnement, du Plan national santé environnement (PNSE 2) et du Plan régional santé environnement (PRSE 2) des Pays de la Loire.
Dans ce cadre, Air Pays de la Loire place aujourd’hui la surveillance de la qualité de l’air intérieur dans ses problématiques prioritaires. Ainsi, depuis 2008, plusieurs actions concernant la surveillance de l'air intérieur, principalement dans des établissements d’enseignement, ont été engagées :

•     une étude expérimentale dans deux établissements d'enseignement nantais (2008-2009) ;
•     une participation à un programme national concernant, dans la région des Pays de la Loire, 15 établissements "petite enfance" (2009-2010) ;
•     une étude dans la maison éco-performante du Pays des Herbiers (2009-2010), puis en 2011 ;
•     une étude régionale dans 4 lycées des Pays de la Loire (2010) ;
•     une étude nationale « Indice fongique et indice de confinement » (2010) ;
•     une étude exploratoire sur la caractérisation des émissions de formaldéhyde (2011) dans 3 établissements scolaires ligériens ;
•     une étude dans l’école maternelle Rivoli de la Roche-sur-Yon avant et après mise en place d’une ventilation mécanique contrôlée (2012).

objectif : évaluer les niveaux de pollution dans un lieu accueillant de jeunes enfants

L'objectif de ces mesures en air intérieur dans l’école Jules Ferry est d'évaluer les niveaux de pollution dans un lieu accueillant de jeunes enfants durant deux périodes (hivernale et estivale) pendant lesquelles les pratiques d'aérations peuvent être différentes. A la demande de la collectivité, le choix de l’école s’est porté sur cet établissement, en raison de sa capacité d’accueil (école la plus importante de Mayenne) et de la mise en évidence de problèmes d’humidité dans certaines salles par les enseignants.
Ainsi, les objectifs sont d’évaluer les niveaux de polluants intérieurs (formaldéhyde et benzène), de confinement (mesure du dioxyde de carbone) et de confort (température et humidité relative) dans deux salles d’enseignement, ainsi que de proposer aux gestionnaires des mesures de réduction de l’exposition aux polluants intérieurs et au confinement.

moyens : des mesures de polluants prioritaires et de confinement

Les moyens métrologiques mis en œuvre sont conformes à ceux préconisés dans l’article 6 du Décret n° 2012-14 du 5 janvier 2012, avec un suivi du formaldéhyde et du benzène, polluants prioritaires selon l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail (Anses) et bénéficiant de valeurs guides (Décret no 2011-1727 du 2 décembre 2011). Les mesures du formaldéhyde et du benzène ont été réalisées à l’aide de tubes à diffusion passive (tubes passifs Radiello^®) suspendus au plafond de deux salles d’enseignement respectivement de CE1 et CM1, au centre de la pièce.
Le suivi en continu du dioxyde de carbone (CO₂) comme indicateur du confinement, de la température et de l’humidité a été effectué à l’aide d’un enregistreur Q-Track placé sur un meuble, dans les 2 salles d’enseignement.
Dans le cadre de notre étude et sur demande de la collectivité, les mesures ont été réalisées pendant deux semaines distinctes (du lundi au vendredi, en présence des élèves) :

•    période hivernale : S47, du 12 au 16 novembre 2012 ;
•     période estivale : S24, du 10 au 14 juin 2013.

résultats : un niveau de confinement ponctuellement élevé et des teneurs en polluants en dessous des valeurs guides

des niveaux de température et humidité relative situés dans la zone de confort

D’après le diagramme de confort hygrothermique (figure ci-dessous), la zone optimale de confort (zone 4) se situe entre 18 et 25°c pour la température et 30 et 70 % pour l’humidité relative. La représentation des niveaux moyens des deux paramètres pour la campagne de mesure met en évidence que les conditions climatiques des deux pièces se situent dans la zone de confort. Attention toutefois à la salle de CE1 qui, en période estivale, présente une humidité relative de 70 %, propice au développement de bactéries et de microchampignons.

(ISELT P., ARNDT U., CAUCHEPIN J.L, Manuel de l'humidification de l'air, 1997 - 240 p., Paris)

un confinement élevé dans la salle d’enseignement de CE1

Témoin du confinement, la mesure du dioxyde de carbone (CO₂) est un indicateur de la qualité du renouvellement de l’air dans des locaux. La recommandation du règlement sanitaire départemental (RSD) indique de ne pas dépasser 1300 ppm.

Les résultats des mesures de dioxyde de carbone montrent que les occupants des salles d’enseignement peuvent être exposés pendant plusieurs heures de la journée à des concentrations dépassant le seuil de 1300 ppm préconisé par le Règlement sanitaire départemental (RSD), avec un maximum enregistré de 4066 ppm. Or Il a été démontré que la performance des élèves, déclinée en termes d’attention, de temps de réaction, voire d’absentéisme, peut être affectée par une concentration en dioxyde de carbone élevée.
Avec une concentration moyenne mesurée du 12 au 16 novembre 2012 de 1585 ppm, la salle de CE1 est considérée comme très confinée. Les niveaux moyens en CO₂ dans la salle de CM1 sont inférieurs au seuil du RSD, mais peuvent le dépasser ponctuellement en période d’occupation des locaux.
La mise en place d’un système de ventilation mécanique, actuellement absent, permettrait un renouvellement d’air et une diminution du niveau de confinement pour les 2 salles étudiées. Une ouverture des ouvrants à chaque intercours augmenterait, à minima, l’aération des locaux.

des teneurs en formaldéhyde en dessous des valeurs guides

Classé comme polluant prioritaire par l'Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail (Anses), le formaldéhyde présente, lors de la première phase de mesures, une concentration moyenne de 15,2 µg/m³ dans la salle de CM1 et 10.2 µg/m³ dans la salle de CE1. Lors de la seconde phase de mesures, ces concentrations augmentent dans les salles de CM1 et CE1, avec respectivement des niveaux de 25,9 µg/m³ et 19,2 µg/m³. Cette augmentation est due à une température plus élevée lors de la seconde phase, favorisant les émissions de formaldéhyde.

Les valeurs moyennes mesurées en formaldéhyde au sein des salles d’enseignement de l’école Jules Ferry respectent la valeur guide de 30 µg/m³ pour une exposition long terme à compter du 1^er janvier 2015[1]. Elles restent au-dessus de la valeur guide de 10 µg/m³ à atteindre en 2023.
La concentration moyenne en formaldéhyde devrait évoluer progressivement vers cette valeur guide de 10 µg/m³ si les moyens d’aération étaient optimisés, et si des matériaux et produits peu émissifs en formaldéhyde (mobilier, produits de construction et décoration) venaient en substitution de l’existant dans les salles d’enseignement dans le cadre de travaux éventuels de rénovation (mesures d’aide à la décision page 27).

des teneurs en benzène en dessous des valeurs guides

Le benzène est également un polluant dont la surveillance est considérée comme prioritaire par l'Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail (Anses).

Les valeurs moyennes mesurées en benzène au sein des salles d’enseignement de l’école Jules Ferry sont relativement faibles et respectent les valeurs guides de 5 µg/m³ pour une exposition long terme à compter du 1^er janvier 2013, et 2 µg/m³ pour une exposition long terme à compter du 1^er janvier 2016.
Lors de la première période de mesures la concentration moyenne en benzène est de 1,3 µg/m³ dans la salle de CM1 et de 0,95 µg/m³ dans la salle de CE1. Lors de la seconde phase de mesures, les niveaux dans la salle de CM1 diminuent de 27 %. L’évolution des concentrations mesurées dans cette salle est à rapprocher d’une évolution similaire de la concentration mesurée à l’extérieur. Compte tenu des émissions de benzène plus importantes en période hivernale, ainsi que de conditions météorologiques particulières, les concentrations dans l’air extérieur sont plus importantes en période hivernale. Ceci suggère un import de benzène de l’air extérieur vers l’intérieur de la salle de classe.
La pollution par le benzène à l’extérieur de l’établissement est imputable au trafic routier de la rue Réaumur, qui augmente aux heures de pointe.
Les concentrations moyennes en benzène restent faibles et sont inférieures aux valeurs moyennes enregistrées dans la campagne pilote de l’Observatoire de la qualité de l’air intérieur (1,4 µg/m³) réalisée en 2001 et aux valeurs enregistrées lors des campagnes menées par Air Pays de la Loire dans des établissements scolaires.

une importante contamination fongique observée dans la salle de CE1

Lors de la mise en œuvre des mesures de qualité d’air dans la salle d’enseignement de CE1, une importante contamination fongique a été observée sur les murs de la classe, principalement sur
ceux en contact direct avec l’extérieur et sur une surface estimée à plus de 30 m².

Cette contamination fongique est à mettre en relation avec un taux d’humidité relative élevé dans cette salle (environ 70 %) ainsi qu’à une absence de système spécifique de ventilation.
Le renouvellement d’air est réalisé par des grilles d’aération dans les fenêtres (installées en janvier 2013), complétées par une ouverture de la porte et des fenêtres.
Face à ce constat, la ville de Mayenne a entrepris un programme de réfection des peintures dans cette salle de classe en octobre 2013, dans l’ordre suivant :

•     les surfaces murales ont été nettoyées avec un nettoyant dégraissant et un concentré fongicide et algicide pour les parties les plus contaminées ;
•     une couche de peinture d'impression fongicide a été appliquée ;
•     une toile à peindre a ensuite été collée sur le mur ;
•     deux couches de peinture vinylique satin ont été appliquées pour les murs, ainsi qu’une peinture laque polyuréthane acrylique pour les boiseries et les radiateurs ;
•     enfin la classe est restée bloquée pendant une semaine, avant réutilisation.

La mise en place d’un système de ventilation mécanique est en outre préconisée, celui-ci permettrait une augmentation du renouvellement d’air et une diminution de l’humidité relative de la salle de CE1.

conclusions et perspectives : une qualité de l’air pouvant être améliorée dans la classe de CE1 grâce à la mise en place d’un système de ventilation mécanique

L’étude de la qualité de l'air intérieur dans l’école primaire Jules Ferry a mis en évidence :

•     un niveau de confinement très élevé à certaines heures de cours dans les salles d’enseignement de CM1 et principalement de CE1, comprenant des dépassements ponctuels du seuil de 1300 ppm fixé par le règlement sanitaire départemental (RSD). La salle de CE1 présente d’ailleurs un dépassement de ce seuil pour la moyenne des mesures réalisées du 12 au 16 novembre 2012 et un indice de confinement égal à 3 pour les 2 périodes (confinement élevé) ;
•     des concentrations moyennes en formaldéhyde en dessous de la valeur guide de 30 µg/m³, appliquée à partir du 1er janvier 2015 pour une exposition long terme (Décret 2011-1727 du 2 décembre 2011) ;
•     des concentrations moyennes en benzène relativement faibles dans les salles d’enseignement et en dessous de la valeur guide de 5 µg/m³, appliquée depuis le 1^er janvier 2013 ;

Une importante contamination fongique a également été observée dans la salle de CE1, sur une surface estimée à plus de 30 m², principalement sur les murs en contact avec l’extérieur. Celle-ci est à mettre en relation avec une humidité relative élevée (environ 70 %) et une absence de système de ventilation mécanique. Néanmoins, des actions de remédiation ont été menées par la ville de Mayenne en 2013 (pose de grilles d’aération, travaux de réfection de peinture).
Compte tenu du confinement, de l’humidité relative élevée, et de la présence de moisissures, il est en outre préconisé la mise en place d’un système de ventilation mécanique.
A titre indicatif, en 2012, une étude d’Air Pays de la Loire sur la qualité de l'air intérieur dans l’école Rivoli de la Roche-sur-Yon, avant et après la mise en œuvre d’une ventilation mécanique contrôlée double flux, a mis en évidence une diminution du niveau de confinement de 30 % dans la salle de classe, une diminution de 12 % de l’humidité relative, ainsi qu’une diminution des concentrations moyennes en formaldéhyde d’un facteur 2.
Enfin, depuis 2012, l’étiquetage des matériaux de construction facilite la décision des gestionnaires d’établissement dans le choix de matériaux peu émissifs. A titre indicatif, l’approche expérimentale en matière d’aération et réduction des produits d’entretien menée dans le lycée Clemenceau de Nantes en 2008-2009 a entraîné une baisse des niveaux de formaldéhyde de 30 %.

perspectives

Etant donné l’étendue de la contamination fongique observée et l’importance des actions de remédiation menées par la ville de Mayenne, une nouvelle campagne de mesures pourra être envisagée au cours de l’année 2014. Celle-ci permettra de mesurer les effets bénéfiques des actions de remédiation, notamment sur les paramètres de confort, de confinement, et également de juger de l’absence d’une éventuelle contamination fongique.
Dans l’éventualité de la mise en place d’un système de ventilation mécanique, l’école Jules Ferry pourra également faire l’objet d’une campagne de mesures avant et après mise en place de ce système, afin de quantifier les améliorations apportées vis-à-vis de la qualité de l’air intérieur.