21/06/2013
Cette étude vise à évaluer les niveaux de particules fines et particules sédimentables dans l’environnement de la zone industrialo-portuaire de Saint-Nazaire, notamment au niveau des quartiers de Ville-port et de Penhoët. Elle met en évidence l’influence des activités de chargement / déchargement de céréales sur la qualité de l’air lors des escales de navires.
contexte : impact sanitaire des particules fines
De récentes études ont permis de mettre en évidence l’impact sanitaire des particules dans l’air. Les plus fines (PM10 et PM2,5) sont les plus nocives par leur pouvoir pénétrant dans l’arbre pulmonaire.
Le programme Clean Air For Europe conduit par la commission européenne a estimé à près de 300 000 décès anticipés et à 9 mois la perte d’espérance de vie moyenne liés à une exposition aux niveaux de particules fines mesurés en 2000 dans les états membres (1).
Conscient de cet impact, une première campagne de mesure en 2002 visant à apprécier l’influence de la zone industrialo-portuaire de Saint-Nazaire sur la qualité de l’air (2) avait permis de corréler des élévations des niveaux de particules fines PM10 avec l’activité de la zone portuaire.
Avec le Grenelle de l’environnement, la France s’est fixé un objectif de réduction de 30 % des particules PM2,5 pour 2015. Pour atteindre cet objectif, un plan particules a été mis en place en juillet 2010.
Ce plan prévoit des mesures de réduction des émissions dans les secteurs de l’industrie, du chauffage domestique et tertiaire, des transports, de l’agriculture et en cas de pics de pollution.
Il est décliné à l’échelle des territoires via les Plans de Protection de l’atmosphère (PPA), dont l’objectif est de ramener les niveaux de pollution en-dessous des valeurs limites grâce à la mise en œuvre de mesures concrètes de réduction des émissions des sources fixes ou mobiles. Ces plans concernent les agglomérations de plus de 250 000 habitants et les zones où les valeurs limites sont dépassées ou risquent de l’être.
objectifs : exposition aux particules à Ville-Port (Saint-Nazaire)
Financé par l’Etat dans le cadre de la révision du PPA, une nouvelle campagne a été engagée pour :
- évaluer, 10 ans après, les niveaux de particules dans l’air ambiant de la zone industrialo-portuaire de Saint-Nazaire à l’aide de méthodes de mesure optimisées ;
- étendre le périmètre de la campagne de mesure réalisée en 2002 aux quartiers résidentiels de Penhoët et Ville-Port ;
- répondre aux problématiques de salissures, exprimées par une population riveraine croissante dans un quartier en réhabilitation ;
- fournir des éléments d’aide à la décision pour limiter les émissions de particules et l’exposition de la population.
moyens : 3 sites de mesure des dépôts au sol et des particules dans l'air
Trois sites de mesure ont été retenus, de façon à appréhender les niveaux maximaux de pollution par les particules émises au niveau de la zone industrialo-portuaire : le théâtre, le quai oblique, Penhoët. L’implantation des sites a été déterminée en fonction de l’emplacement des émetteurs potentiels de particules, de la direction des vents dominants, de la fréquentation, des zones résidentielles et des contraintes techniques.
La campagne de mesure s’est déroulée en période hivernale du 19 décembre 2011 au 5 avril 2012.
Le dispositif mis en place a permis de mesurer en parallèle en continu :
- les dépôts de particules sédimentables (au sol), non réglementées, à l’origine des salissures constatées,
- les particules fines soumises à réglementation en raison de leur impact sur la santé,
de sorte que l’examen des profils mesurés permette de mettre en évidence l’existence d’une éventuelle source particulaire commune.
La présente étude n’a pas évalué les gènes olfactives.
résultats : en moyenne 4 jours par mois de dépôts, une surexposition locale de particules fines en cas de pic régional de pollution
dépôts de particules sédimentables au sol
Durant les 108 jours de la campagne de mesure, 16 dépôts de particules sédimentables, dont 4 majeurs, ont été enregistrés, principalement au niveau du site du quai oblique, le plus au cœur de la zone industrialo-portuaire.
Les deux autres sites de mesure ont été moins touchés par la déposition de particules. L’importance des dépôts de particules sédimentables est restée relativement faible par rapport aux valeurs de référence en usage (valeurs de référence exprimées en mg/m2/j.)
Ces dépôts ont ensuite été caractérisés par microscopie électronique à balayage. L’analyse a mis en évidence 2 composantes majoritaires, le blé et le tourteau de tournesol. Parmi les composantes minoritaires, des grains de sable (côtier ou de carrière), des métaux, et des particules minérales naturelles ont été identifiés.
Ces éléments ont permis de déterminer la source de ces particules qui correspondent aux activités de chargement/déchargement de blé et tourteaux de tournesol au niveau du quai Grandspuits du bassin de Penhoët.
La durée de la campagne ayant été limitée à quatre mois, l’étude n’est pas représentative d’une année d’activité. Pour autant, par extrapolation des données de trafic de marchandises communiquées par le Grand Port Maritime de Nantes Saint-Nazaire, le nombre n’excèderait pas une soixantaine de dépôts annuels au niveau du quai GrandsPuits du bassin de Penhoët, si l’on considère que chaque escale génère systématiquement un dépôt de particules sédimentables.
Cette estimation est à prendre avec précaution sachant qu’elle peut évoluer favorablement en fonction des conditions climatiques, de la nature des marchandises ou défavorablement selon les conditions de remise en suspension des particules déposées.
les particules fines PM10 et PM2,5 dans l'air
De fréquents dépassements du seuil d’information (près de 1 jour/4) à l’origine du déclenchement de 23 procédures d’information du public et des autorités compétentes, ont été constatés durant la période de mesure, le seuil d’alerte a même été franchi au cours de 6 journées au niveau du parking du Théâtre.
La plupart des dépassements de seuils réglementaires constatés au cours de la campagne de mesure, sont consécutifs à des épisodes de pollution particulaire étendus à de larges territoires (pollution importée du reste de la France et du continent européen).
Cependant, des élévations spécifiques de concentrations des particules PM10 (parfois de PM2,5) ont pu être soit corrélées avec des dépôts de particules sédimentables (liés aux chargements de navires), soit avec des dates d’enregistrement d’escales des navires destinés à transporter du blé ou des tourteaux de tournesol.
Ces éléments indiquent que les chargements et déchargements de céréales génèrent une fraction fine de particules dans l’air en complément des plus grosses particules sédimentables qui se déposent au sol. D’autres sources ont toutefois pu interférer, c’est le cas notamment des travaux de voirie et d’aménagements du parking du Théâtre, programmés lors de la seconde moitié de la campagne de mesure.
conclusions et perspectives : réduire les envols de particules, limiter l'activité en cas de pics de pollution, suivre les niveaux de particules dans l'air
Pour les particules sédimentables, l’étude met en évidence l’influence des activités de chargement/déchargement de céréales, de blé et tourteaux de tournesol plus spécifiquement, lors des escales de navires au niveau du quai Grandspuits du bassin de Penhoët. En effet la caractérisation des dépôts collectés par microscope électronique à balayage montre la présence prédominante de blé et de tourteaux de tournesol. Des particules de métaux et de sables ont également été identifiées assez fréquemment, mais en faible quantité.
La fréquence des chargements et déchargements (19 escales en 3 mois ½ de mesure) laisse apprécier la gêne pouvant être perçue par une partie de la population.
Toutefois, la sédimentation et donc l’impact de ces activités s’atténue fortement avec la distance à la source et varie en fonction des conditions climatiques, de la direction des vents notamment. Ainsi le quartier Penhoët, situé à 1 km du quai Grandspuits et sous un régime de vents dominants de secteurs nord-est et nord-ouest durant la campagne de mesure, a davantage pu être affecté par les brûlages effectués lors de mouvements de grèves des salariés de la zone industrialo-portuaire que par les activités de chargement de céréales.
Le parking du Théâtre, par sa proximité notamment (à 400 m du quai), a été plus influencé par ces diffusion de céréales dans l’air mais relativement moins par rapport au quai oblique situé en face et à seulement 200 m.
Certains profils des niveaux de particules fines, PM10 le plus souvent mais aussi PM2,5, ont pu être corrélés avec les profils de sédimentables, portant à indiquer que les activités de chargement/déchargement de céréales génèrent une fraction fine de particules à l’origine de hausses locales et ponctuelles de leurs concentrations. Une étude complémentaire permettrait de le confirmer.
Afin que la population ne soit potentiellement pas surexposée, il pourrait être envisagé en application du principe de précaution, une suspension des activités de chargement/déchargement de matière pulvérulente en cas d’épisode de pollution particulaire généralisé. Cette suspension pourrait être adaptée éventuellement en fonction des prévisions de vent.
A noter que les travaux de voirie de la rue Henri Gautier et d’aménagements paysagers du parking du Théâtre ont probablement généré durant la campagne des émissions de particules fines ayant pu influencer les mesures réalisées au niveau du Théâtre.
perspectives
Les dépassements des seuils d’information et d’alerte au niveau de la zone industrialo-portuaire de Saint-Nazaire conduisent Air Pays de la Loire à recommander un suivi des niveaux de particules (PM10, PM2.5) dans la zone Ville Port. Ce suivi pourrait s’intégrer dans le cadre d’une réflexion à initier sur la réactualisation du dispositif de surveillance de la zone portuaire.
Des préconisations peuvent par ailleurs être proposées afin de limiter les émissions de particules ou leur remise en suspension (comme le capotage des bandes transporteuses, l’écrêtage des tas de matière pulvérulente en aérien pour le terminal sablier par exemple ou encore l’arrosage/nettoyage des surfaces couvertes de particules sédimentées).
La mise à disposition d’un numéro vert pour recueillir les plaintes des habitants (exemple de Gravelines, dans le cadre du SPPPI Côte d’Opale) (11) permettrait d’identifier de façon complémentaire la gêne occasionnée par les activités de la zone industrialo-portuaire et d’affiner les résultats de cette étude, voire de caractériser les dépôts de particules par la mise en place d’un système de prélèvements manuels lors d’un dépôt de plainte.
Enfin, il serait important d’adapter les activités du port en fonction des prévisions d’épisodes de pollution particulaire.