25/02/2022
- Air extérieur
Air Pays de la Loire met en œuvre en 2021 et 2022 un projet pilote dont l’objet est de suivre la qualité de l’air dans l’environnement de cinq unités de méthanisation des Pays de la Loire. Il étudie les polluants atmosphériques et les odeurs autour de ces unités, selon une approche à l’échelle locale. L’enjeu de la réduction des émissions de Gaz à Effet de Serre liée à la méthanisation n’est pas traité ici, il est étudié notamment par l’ADEME, GRDF et INRAE.
Contexte et objectifs : une étude pilote de la qualité de l’air au niveau de la filière méthanisation
La filière méthanisation en France et dans les Pays de la Loire, en plein essor, se structure fortement, dynamisée par les objectifs nationaux en matière de transition énergétique et par les aides financières. En septembre 2021, à l’échelle régionale, 110 unités sont en fonctionnement et plusieurs dizaines d’installation sont en projet (source : AILE).
L’expansion de la filière suscite néanmoins :
- des interrogations d’ordre scientifique notamment concernant la (mé)connaissance des impacts sur l’atmosphère au niveau du digesteur (fuites de méthane) et de l’épandage (émissions de NH3 et de N2O),
- dans certains cas, une réserve, des inquiétudes voire de l’hostilité de riverains et de collectifs par rapport à des paramètres plus locaux (odeurs, bruit, risques, préjudices). Cette perception peut être avérée ou supposée.
Dans ce contexte, Air Pays de la Loire met en place une étude pilote dans l’environnement d’unités de méthanisation des Pays de la Loire.
Les objectifs visés par cette étude sont multiples :
- consolider le socle des connaissances et des expériences sur ce sujet par la mise en place d’une évaluation normalisée,
- à partir de cette approche, répondre aux questionnements des acteurs de la filière et du grand public et contribuer à objectiver le débat,
- en fonction des résultats obtenus, fournir des conseils techniques aux exploitants des unités investiguées.
Cette étude est réalisée avec le soutien financier de l’ADEME des Pays de la Loire, de la Région des Pays de la Loire, de GRDF et de GRTgaz et avec la participation de France Nature Environnement Pays de la Loire, de la Chambre d’Agriculture des Pays de la Loire, de l’association AILE et du cluster Méthatlantique.
Moyens : des méthodes normalisées et standardisées
La qualité de l’air prise en compte dans le projet d’Etude Pilote d’Investigation de la QUalitÉ de l’air de la Filière Méthanisation (EPIQUE-FM) couvre deux champs d’investigation : d’une part les nuisances olfactives, et d’autre part le suivi des concentrations atmosphériques de 3 indicateurs spécifiques de l’activité de méthanisation : le méthane (CH4), le sulfure d’hydrogène (H2S) et l’ammoniac (NH3), les deux derniers étant également des composés odorants.
Une première unité a été investiguée dans le cadre de cette étude pilote, AgriBioMéthane à Mortagne-sur-Sèvre, en Vendée. Ce rapport porte sur la deuxième unité investiguée, Derval Agri’méthane, située à Derval, en Loire-Atlantique (44). Cette unité de méthanisation produit, depuis 2019, du biogaz qui alimente, par cogénération, en chaleur le Lycée agricole et l’espace aquatique de la commune.
Pour déterminer l’influence odorante du site, la méthode du Langage des Nez® a été utilisée lors des deux journées d’investigation, le 21 septembre et le 14 octobre 2021. Il s’agit d’une méthode standardisée de suivi olfactif reposant sur une structuration de l’espace odorant et l’utilisation d’une collection organisée de référents odorants objectifs.
Pour le suivi des concentrations atmosphériques, Air Pays de la Loire a installé, à 470 mètres au nord-est de l’unité Derval Agri’méthane, au lieu-dit La Touche à Derval., un laboratoire mobile équipé d’analyseurs automatiques pour le sulfure d’hydrogène (H2S) et le méthane (CH4), entre le 24 septembre et le 27 octobre 2021. Ces analyseurs prélèvent en permanence l’air extérieur et quantifient les concentrations en polluants sur un pas de temps de 15 minutes. Les niveaux moyens d’ammoniac (NH3), quant à eux, sont évalués par tubes à diffusion passive, entre le 13 octobre et le 27 octobre 2021. Cette méthode de prélèvement permet d’obtenir la moyenne des concentrations par semaine.
Résultats : l’empreinte du site dans son environnement
Suivi olfactif
Observations à l’intérieur du site
La carte ci-dessous présente l’intensité maximale relevée pour les 19 points d’olfaction à l’intérieur de l’unité de méthanisation toutes notes odorantes confondues.
Les points d’olfaction les plus odorants de l’unité (cf. figure 2) sont une partie des zones de stockage : stockage sec (ensilage et digestat solide), stockage intrants et fosse co-produit avec la trappe ouverte. Un autre point présente également des odeurs considérées comme fortes (supérieures à 5), il s’agit de la trémie lorsqu’elle est en mouvement, à heure ronde, pour alimenter le digesteur.
A noter qu’aucune odeur n’a été perçue entre le digesteur et le post-digesteur ou en limite de propriété.
Cinq notes caractérisent le site tant en termes de nombre de points odorants qu’en intensité : l’ammoniac, l’acide volatil, l’alcool cinnamique, le scatol et le phénol. Secondairement, est également présent l’isobutyrate d’éthyle. Ces notes dominantes, hors phénol, sont liées à des phénomènes de fermentation et de dégradations organiques inhérents à l’activité de méthanisation.
Observations à l’extérieur du site
La carte ci-dessous représente les 21 points d’olfaction relevés à l’extérieur de l’unité de méthanisation. La localisation des points d’olfaction réalisés dans l’environnement du site sont déterminés en fonction des directions de vent lors des investigations (points sous les vents de l’unité). A noter que ces directions de vent sont représentatives des vents habituellement rencontrés à cette période de l’année. Les points bleus sur la carte ci-dessous correspondent à d’autres sources odorantes identifiées.
Seuls deux points d’olfaction réalisés dans l’environnement ont été associés à l’activité de l’unité.
Les deux notes perçues dans le plus grand nombre de point sont l’hexenol et l’alcool cinnamique toutes origines confondues. Cependant, l’origine de l’hexenol (herbe coupée) n’est pas l’unité de méthanisation.
L’ammoniac a une portée moins importante, c’est pour cela que cette note est moins présente dans l’environnement de Derval Agri’méthane, malgré son importance à l’intérieur du site.
Les notes associées à la méthanisation sont proches de celles retrouvées dans le monde agricole (exploitation, cultures, …). Cependant, les olfactions réalisées au sein de l’unité ont permis d’identifier des mélanges de notes caractéristiques de l’unité qui ont été retrouvés sur deux points à l’extérieur du site.
Seuls deux points odorants à distance de 425 mètres de l’unité ont été associés à l’activité du site. En dehors de ces observations ponctuelles, aucune odeur n’a été perçue.
Suivi des concentrations dans l’air
Méthane
La concentration moyenne en méthane mesurée à Derval est de 1 510 μg/m3. Elle est plus élevée que la concentration moyenne sur le site de fond (site non influencé par une source directe de pollution), à La Tardière en Vendée, au mois de mai 2021 : 1 358 μg/m3 (écart de 11 %).
Lorsque les vents placent le laboratoire mobile dans l’axe des vents de Derval Agri’méthane (250°- 280°), peu d’élévations sont constatées. En effet, pendant cette période, 8 % du temps, les concentrations étaient supérieures à la concentration moyenne mesurée pendant la campagne.
Sulfure d’hydrogène
Le graphique d’évolution permet de visualiser les sept journées où le seuil de gêne olfactive a été dépassé : 29 et 30 septembre, 12, 14, 16, 18 et 26 octobre. Il met en évidence des concentrations plus variables et plus élevées que le site permanent de mesure de H2S en Pays de la Loire, localisé à Donges. Seuls les deux premiers dépassements du seuil olfactif, du 29 et 30 septembre, sont certainement associés à l’activité de l’unité (le laboratoire de mesure est dans l’axe de la direction des vents).
L’analyse des conditions météorologiques met en évidence des concentrations moins élevées par vent de secteur sud-ouest. Lorsque les vents placent le laboratoire mobile dans l’axe de Derval Agri’méthane (250°-280°), on observe des concentrations plus faibles que par vent de secteur nord-ouest, nord-est et sud-est. L’unité ne semble pas être à l’origine des niveaux de sulfure d’hydrogène les plus élevés. La concentration moyenne de la campagne (5,6 μg/m3) correspond à 3,7 % de la valeur guide sanitaire de l’OMS fixée à 150 μg/m3.
Ammoniac
Les niveaux plus élevés en ammoniac (cf. figure 7), à proximité immédiate de l’unité, mettent en évidence que Derval Agri’méthane a une influence directe en limite de propriété sur les concentrations, en comparaison avec les résultats du site de fond non influencé (site témoin). Les concentrations plus élevées au niveau de la première habitation que celles de la zone témoin (hors de l’axe des vents de l’unité) et du centre-ville de Derval semblent montrer une influence potentielle de Derval Agri’méthane. A noter l’influence potentielle de la ferme expérimentale de la Chambre d’Agriculture, contigüe à l’unité de méthanisation, sur ces concentrations en lien avec sa proximité.
La concentration moyenne maximale mesurée autour de l’unité (19,9 μg/m3) est bien inférieure aux concentrations pour lesquelles des symptômes d’irritation apparaissent (Valeur Toxicologique chronique ou sub-chronique recommandée par l’ANSES de 500 μg/m3) et correspond à 4 % de cette valeur de référence.
Conclusions et perspectives : une influence peu décelable dans l’environnement
Au sein de Derval Agri’méthane, le secteur digesteur et post-digesteur n’a pas présenté d’odeurs lors des relevés olfactifs réalisés et les secteurs cogénération et point de pompage de digestat liquide génèrent des intensités faibles. A l’inverse, les secteurs de stockage intrants, stockage sec, trémie et fosses ont des intensités fortes.
L’analyse olfactive a permis de retrouver trois notes caractéristiques de la méthanisation identifiées lors de l’étude précédente1 menée en Vendée : l’ammoniac, l’acide volatil et le scatol. Cette étude permet donc de confirmer le référentiel méthanisation du Langage des Nez® qui continuera à être exploité lors des prochaines investigations.
Dans l’environnement du site, les investigations n’ont mis en évidence que deux points d’olfaction associés à l’activité de l’unité. A noter qu’au-delà de 425 mètres, aucune odeur provenant de l’unité n’a été relevée.
Les concentrations des indicateurs dans l’air mesurées montrent une influence ponctuelle de Derval Agri’méthane sur les niveaux extérieurs de méthane et de sulfure d’hydrogène. Pour les niveaux d’ammoniac, une influence directe est mise en évidence en limite de propriété et potentiellement au niveau des premières habitations. Les seuils sanitaires de référence sont respectés.
Compte tenu de ces éléments, les odeurs ont un impact léger dans l’environnement. Des pistes sont tout de même proposées pour améliorer la gestion de la qualité de l’air au niveau de l’unité de méthanisation : minimiser les durées de stockage des matières odorantes et poursuivre le nettoyage régulier des sols de l’unité.