26/05/2023
- Air extérieur
Air Pays de la Loire met en œuvre entre 2021 et 2023 un projet pilote dont l’objet est de suivre la qualité de l’air au niveau de cinq unités de méthanisation des Pays de la Loire. Il étudie les polluants atmosphériques et les odeurs autour de ces unités, selon une approche à l’échelle locale. Ce rapport présente les résultats de l’investigation réalisée de juin à août 2022 au sein et à l’extérieur de l’unité Fertiwatt, localisée à Fougerolles-du-Plessis en Mayenne.
Contexte et objectifs : une étude pilote de la qualité de l’air au niveau de la filière méthanisation
La filière méthanisation en France et dans les Pays de la Loire, en plein essor, se structure fortement, dynamisée par les objectifs nationaux en matière de transition énergétique et par les aides financières. En janvier 2023, à l’échelle régionale, 137 unités sont en fonctionnement et 82 sont en projet (source : AILE).
L’expansion de la filière suscite néanmoins :
- des interrogations d’ordre scientifique notamment concernant la (mé)connaissance des impacts sur l’atmosphère au niveau du digesteur (fuites de méthane) et de l’épandage (émissions de NH3 et de N2O),
- dans certains cas, une réserve, des inquiétudes voire de l’hostilité de riverains et de collectifs par rapport à des paramètres plus locaux (odeurs, bruit, risques, préjudices). Cette perception peut être avérée ou supposée.
Dans ce contexte, Air Pays de la Loire met en place une étude pilote dans l’environnement d’unités de méthanisation des Pays de la Loire.
Les objectifs visés par cette étude sont multiples :
- consolider le socle des connaissances et des expériences sur ce sujet par la mise en place d’une évaluation normalisée,
- à partir de cette approche, répondre aux questionnements des acteurs de la filière et du grand public et contribuer à objectiver le débat,
- en fonction des résultats obtenus, fournir des conseils techniques aux exploitants des unités investiguées.
Cette étude est réalisée avec le soutien financier de l’ADEME des Pays de la Loire, de la Région des Pays de la Loire, de GRDF et de GRTgaz et avec la participation de France Nature Environnement Pays de la Loire, de la Chambre d’Agriculture des Pays de la Loire, de l’association AILE et du cluster Méthatlantique.
Moyens : des méthodes normalisées et standardisées
La qualité de l’air prise en compte dans le projet d’Etude Pilote d’Investigation de la QUalitÉ de l’air de la Filière Méthanisation (EPIQUE-FM) couvre deux champs d’investigation : d’une part les nuisances olfactives, et d’autre part le suivi des concentrations atmosphériques de 3 indicateurs spécifiques de l’activité de méthanisation : le méthane (CH4), le sulfure d’hydrogène (H2S) et l’ammoniac (NH3), les deux derniers étant également des composés odorants.
Trois premières unités ont été investiguées dans le cadre de cette étude pilote, AgriBioMéthane en Vendée et Derval Agri’Méthane en Loire-Atlantique en 2021 ainsi que Rivergaz dans le Maine-et-Loire en 2022. Ce rapport porte sur la quatrième unité, Fertiwatt, située à Fougerolles du Plessis en Mayenne.
Cette unité a été créée à la ferme, sur le site du GAEC Blanchelande. Du biogaz est produit par cette unité depuis juillet 2016, et utilisé par un moteur de cogénération pour produire de l’électricité et de la chaleur renouvelables.
Pour déterminer l’influence odorante du site, la méthode du Langage des Nez® a été utilisée lors de deux journées d’investigation, les 28 juin et 26 juillet 2022. Il s’agit d’une méthode standardisée de suivi olfactif reposant sur une structuration de l’espace odorant et l’utilisation d’une collection organisée de référents odorants objectifs.
Pour le suivi des concentrations atmosphériques, Air Pays de la Loire a installé, à proximité de l’unité Fertiwatt au niveau de la première habitation localisée à 100 mètres, un laboratoire mobile équipé d’analyseurs automatiques pour le sulfure d’hydrogène (H2S) et le méthane (CH4), entre le 7 juillet et 9 août 2022. Ces analyseurs prélèvent en permanence l’air extérieur et quantifient les concentrations en polluant sur un pas de temps de 15 minutes. Les niveaux moyens d’ammoniac (NH3), quant à eux, sont évalués par tubes à diffusion passive au niveau de quatre sites, entre le 26 juillet et le 10 août 2022. Cette méthode de prélèvement permet d’obtenir la moyenne des concentrations par semaine.
Résultats : l’empreinte du site dans son environnement
Suivi olfactif
Observations à l’intérieur du site
La carte ci-dessous présente l’intensité maximale relevée pour les 19 points d’olfaction à l’intérieur de l’unité de méthanisation toutes notes odorantes confondues.
Les secteurs les plus émetteurs d’odeurs à l’intérieur du site sont ceux recevant ou traitant les intrants : la zone de dépôt – pompage – fosse à lisier, la plateforme de stockage des intrants solides et le secteur de la trémie. Ces intensités les plus fortes (niveaux 4 à 5) sont donc essentiellement observées lors de transport et de manipulations de produits odorants.
Les zones de stockage du digestat liquide et du digestat solide sont moins odorantes sans pouvoir qualifier précisément leurs profils, du fait de la proximité et donc de l’influence de la fosse à lisier et de la plateforme de stockage des intrants solides.
Des notes soufrées ont été détectées potentiellement en lien avec la présence d’hydrogène sulfuré à l’intérieur du digesteur et du post-digesteur.
Le 26 juillet, une odeur d’intensité 6 a été observée au niveau du point général, situé au centre de l’unité entre le digesteur, le bâtiment de séchage et le portail. Aucune activité particulière au sein du site n’a été observée au moment de cette olfaction ponctuelle.
Les points les plus odorants du GAEC Blanchelande (intensité maximale de 4) concernent les bâtiments des volailles et des vaches laitières.
À noter qu’un secteur n’a pas généré d’odeurs (le local cogénération).
Six notes odorantes caractérisent le site tant en termes de nombre de points odorants qu’en intensité : l’acide volatil, le scatol, l’alcool cinnamique, les notes aminées, le phénol, et les notes soufrées. Une majorité de ces notes sont liées à des phénomènes de fermentation et de dégradations organiques cohérents avec l’activité de méthanisation.
Observations à l’extérieur du site
La carte ci-dessous représente les 27 points d’olfaction relevés à l’extérieur de l’unité de méthanisation les 28 juin et 26 juillet 2022. Leur localisation a été choisie de façon à quadriller l’environnement immédiat de l’unité ainsi que les secteurs au nord-est et au sud-est de l’unité, sous les vents respectivement ces deux journées. Les zones résidentielles de Fougerolles-du-Plessis ont donc fait l’objet d’une attention particulière comme le montre la carte ci-dessous. Au niveau des points gris, aucune odeur n’a été perçue.
Le graphique ci-dessous présente la relation entre l’intensité maximale et la distance à Fertiwatt ressentie dans l’environnement pour les points d’olfaction associés à l’unité. Le point à 0 mètre correspond à l’intensité maximale perçue au sein de l’unité de méthanisation.
Dans l’environnement du site, 14 points sont sans odeur sur les 27 relevés effectués. À noter que tous les points localisés au niveau du bourg de Fougerolles-du-Plessis (à une distance de 700 à 1500 mètres de l’unité) sont non odorants au moment des olfactions.
Dans un rayon de 200 mètres autour de l’unité, onze points sont odorants sur douze avec des intensités le plus souvent inférieures à 3.
L’origine des odeurs sur ces onze points est attribuée au fonctionnement de l’unité Fertiwatt (quatre points), du GAEC Blanchelande (quatre points), de la proximité de vaches en pâturage (deux points) et lors d’une opération d’épandage de digestat liquide provenant de Fertiwatt (un point).
Les deux notes les plus perçues à l’extérieur sont le scatol et l’acide volatil, présentes dans des phénomènes de dégradations organiques et dans les déjections animales.
Suivi des concentrations dans l’air
Méthane
L’évolution des concentrations horaires en méthane met en évidence un niveau de fond de l’ordre de 1 400 µg/m3, cohérent avec le niveau de fond mondial, et des élévations ponctuelles qui surviennent principalement de la soirée jusqu’en début de matinée. Ces élévations sont liées au fait que l’atmosphère est généralement plus stable la nuit, situation défavorable à la dispersion des espèces chimiques dans l’air. Les concentrations sont homogènes quelle que soit la direction des vents. Cette absence de direction privilégiée met en évidence que l’unité Fertiwatt n’a pas d’influence spécifique sur les niveaux en méthane dans son environnement.
Sulfure d’hydrogène
Le maximum de la moyenne journalière en sulfure d’hydrogène, à proximité de l’unité Fertiwatt au niveau de la première habitation, est de 2,6 µg/m3. Cette valeur correspond à 2 % de la valeur guide sanitaire de l’OMS fixée à 150 µg/m3.
Le seuil olfactif a été atteint le 13 juillet sur le site de mesures localisé à proximité de l’unité (moyenne 30 minutes maximale de 7 µg/m3 pour un seuil olfactif fixé à 7 µg/m3). Cette valeur a été constatée par vents de sud excluant une origine en provenance de Fertiwatt mais est attribuable à l’environnement agricole général.
Ammoniac
La concentration maximale mesurée autour de l’unité (40 µg/m3) est inférieure aux concentrations pour lesquelles des symptômes d’irritation apparaissent (Valeur Toxicologique chronique ou subchronique recommandée par l’ANSES de 500 µg/m3) et correspond à 8 % de cette valeur de référence.
Les niveaux les plus élevés en ammoniac sont observés à proximité immédiate de l’unité et mettent en évidence que Fertiwatt a une influence directe en limite de propriété. La portée de cette influence est limitée puisque sur tous les autres sites, les niveaux sont environ 4 à 8 fois plus faibles et homogènes.
Conclusions et perspectives : une influence limitée dans l’environnement
Les secteurs les plus émetteurs d’odeurs à l’intérieur du site de Fertiwatt sont ceux recevant ou traitant les intrants : la zone de dépôt – pompage – fosse à lisier, la plateforme de stockage des intrants solides et le secteur de la trémie. Ces intensités les plus fortes sont donc essentiellement observées lors de transport et de manipulations de produits odorants.
L’analyse olfactive a permis de retrouver plusieurs notes caractéristiques de la méthanisation identifiées lors des investigations menées à AgriBiométhane, Derval Agriméthane et Rivergaz : l’acide volatil, le scatol et les notes aminées. Cette étude permet donc de confirmer le référentiel méthanisation du Langage des Nez® qui continuera à être exploité lors des prochaines investigations.
L’emprise odorante de l’unité de méthanisation dans son environnement est limitée puisque les quatre points d’olfaction extérieurs associés à l’activité du site sont localisés à moins de 150 mètres et pour la plupart avec des intensités qualifiées de faibles (inférieures à 3).
Lors des deux journées d’investigation, aucune odeur associée à l’unité n’a été observée au niveau des lotissements de l’Europe ou du Plessis correspondant aux zones résidentielles les plus proches (700 mètres) ou au niveau du centre-bourg (1600 mètres), positionnés à ce moment-là sous les vents de l’installation.
Les concentrations des indicateurs dans l’air mesurées ne montrent pas d’influence de Fertiwatt sur les niveaux extérieurs de méthane et d’hydrogène sulfuré. Pour les niveaux d’ammoniac, une influence directe est mise en évidence en limite de propriété mais pas au-delà. Les seuils sanitaires de référence sont respectés.