28/10/2022
- Air extérieur
Air Pays de la Loire met en œuvre en 2021 et 2022 un projet pilote dont l’objet est de suivre la qualité de l’air au niveau de cinq unités de méthanisation des Pays de la Loire. Il étudie les polluants atmosphériques et les odeurs autour de ces unités, selon une approche à l’échelle locale. Ce rapport présente les résultats de l’investigation réalisée au printemps 2022 au sein et à l’extérieur de l’unité Rivergaz, localisée à Maulévrier dans le Maine-et-Loire.
Contexte et objectifs : une étude pilote de la qualité de l’air au niveau de la filière méthanisation
La filière méthanisation en France et dans les Pays de la Loire, en plein essor, se structure fortement, dynamisée par les objectifs nationaux en matière de transition énergétique et par les aides financières. En septembre 2022, à l’échelle régionale, 131 unités sont en fonctionnement et plusieurs dizaines d’installations sont en projet (source : AILE).
L’expansion de la filière suscite néanmoins :
- des interrogations d’ordre scientifique notamment concernant la (mé)connaissance des impacts sur l’atmosphère au niveau du digesteur (fuites de méthane) et de l’épandage (émissions de NH3 et de N2O),
- dans certains cas, une réserve, des inquiétudes voire de l’hostilité de riverains et de collectifs par rapport à des paramètres plus locaux (odeurs, bruit, risques, préjudices). Cette perception peut être avérée ou supposée.
Dans ce contexte, Air Pays de la Loire met en place une étude pilote dans l’environnement d’unités de méthanisation des Pays de la Loire.
Les objectifs visés par cette étude sont multiples :
- consolider le socle des connaissances et des expériences sur ce sujet par la mise en place d’une évaluation normalisée,
- à partir de cette approche, répondre aux questionnements des acteurs de la filière et du grand public et contribuer à objectiver le débat,
- en fonction des résultats obtenus, fournir des conseils techniques aux exploitants des unités investiguées.
Cette étude est réalisée avec le soutien financier de l’ADEME des Pays de la Loire, de la Région des Pays de la Loire, de GRDF et de GRTgaz et avec la participation de France Nature Environnement Pays de la Loire, de la Chambre d’Agriculture des Pays de la Loire, de l’association AILE et du cluster Méthatlantique.
Moyens : des méthodes normalisées et standardisées
La qualité de l’air prise en compte dans le projet d’Etude Pilote d’Investigation de la QUalitÉ de l’air de la Filière Méthanisation (EPIQUE-FM) couvre deux champs d’investigation : d’une part les nuisances olfactives, et d’autre part le suivi des concentrations atmosphériques de 3 indicateurs spécifiques de l’activité de méthanisation : le méthane (CH4), le sulfure d’hydrogène (H2S) et l’ammoniac (NH3), les deux derniers étant également des composés odorants.
Deux premières unités ont été investiguées en 2021 dans le cadre de cette étude pilote, AgriBioMéthane1 en Vendée et Derval Agri’Méthane2 en Loire-Atlantique. Ce rapport porte sur la troisième unité, Rivergaz, située à Maulévrier, dans le Maine-et-Loire (49). Cette unité de méthanisation a été créée en collectif par 29 exploitations agricoles situées à proximité du site. Du biogaz est produit en fonctionnement nominal depuis décembre 2021. Ce biogaz est épuré puis injecté sous forme de biométhane dans le réseau de gaz GRDF situé à proximité.
Pour déterminer l’influence odorante du site, la méthode du Langage des Nez® a été utilisée lors de deux journées d’investigation, les 12 et 13 mai 2022. Il s’agit d’une méthode standardisée de suivi olfactif reposant sur une structuration de l’espace odorant et l’utilisation d’une collection organisée de référents odorants objectifs.
Pour le suivi des concentrations atmosphériques, Air Pays de la Loire a installé, entre l’unité Rivergaz et le lotissement localisé à 440 mètres au sud, un laboratoire mobile équipé d’analyseurs automatiques pour le sulfure d’hydrogène (H2S) et le méthane (CH4), entre le 11 mai et le 17 juin 2022. Ces analyseurs prélèvent en permanence l’air extérieur et quantifient les concentrations en polluants sur un pas de temps de 15 minutes. Les niveaux moyens d’ammoniac (NH3), quant à eux, sont évalués par tubes à diffusion passive, entre le 25 mai et le 8 juin 2022. Cette méthode de prélèvement permet d’obtenir la moyenne des concentrations par semaine.
1https://www.airpl.org/rapport/investigation-de-la-qualite-de-l-air-de-la-filiere-methanisation-agribiomethane-2021
2https://www.airpl.org/rapport/investigation-de-la-qualite-de-l-air-de-la-filiere-methanisation-derval-agri-methane-2021
Résultats : l’empreinte du site dans son environnement
Suivi olfactif
Observations à l’intérieur du site
La carte ci-dessous présente l’intensité maximale relevée pour les 23 points d’olfaction à l’intérieur de l’unité de méthanisation toutes notes odorantes confondues.
NB : le fond cartographique est antérieur au démarrage de l’unité et sert d’appui à la présentation des résultats issus des investigations. Celles-ci ont été réalisées en période de fonctionnement normal et donc après la mise en service de l’unité.
Les points les plus odorants (intensité maximale de 7) concernent les zones de stockage des produits spéciaux (livraison de fumier de bovin en cours), le secteur de la trémie (en fonctionnement ou à l’arrêt mais avec déchargement en cours de fumier de bovin), et pour partie, le secteur séparation de phase (à l’occasion de digestat solides en cours de déchargement). Ces intensités les plus fortes sont donc essentiellement observées lors de transport et de manipulations de produits odorants.
Six notes odorantes principales caractérisent le site tant en termes de nombre de points odorants qu’en intensité : l’acide volatil, les notes aminées, le caractère irritant, l’acétyl pyrazine, le scatol et l’alcool cinnamique. Une majorité de ces notes sont liées à des phénomènes de fermentation et de dégradations organiques cohérents avec l’activité de méthanisation. Secondairement, ont été ressenties le B-Caryophyllène présent dans de nombreux végétaux, et des notes soufrées, notamment l’hydrogène sulfuré H2S associé à la fermentation anaérobie au sein du process de méthanisation.
Observations à l’extérieur du site
La carte ci-dessous représente les 11 points d’olfaction relevés à l’extérieur de l’unité de méthanisation les 12 et 13 mai 2022. Leur localisation a été choisie de façon à quadriller l’environnement de l’unité en se focalisant en particulier sur les secteurs au sud-ouest, positionnés sous les vents de l’exploitation lors des deux journées (vents de nord et nord-est). Au niveau des points gris, aucune odeur n’a été perçue.
Le graphique ci-dessous présente la relation entre l’intensité maximale et la distance à Rivergaz ressentie dans l’environnement pour les points d’olfaction associés à l’unité. Le point à 0 mètre correspond à l’intensité maximale perçue au sein de l’unité de méthanisation.
Les notes aminées (ammoniac, notamment) et le caractère irritant sont les notes les plus représentatives de l’activité de Rivergaz, mais ces notes n’ont pas été détectées à l’extérieur. Les deux notes les plus perçues à l’extérieur sont le scatol et l’acide volatil.
L’emprise odorante de l’unité de méthanisation dans son environnement est limitée puisque les six points d’olfaction extérieurs associés à l’activité du site sont localisés à moins de 140 mètres (et à des intensités inférieures à 3 entre 50 et 140 mètres). L’éloignement avec les sources d’émissions odorantes explique cette situation.
Lors des deux journées d’investigation, aucune odeur associée à l’unité n’a été observée au niveau du lotissement, positionné à ce moment-là sous les vents de l’installation, à environ 440 mètres au sud.
Suivi des concentrations dans l’air
Méthane
Les concentrations en méthane sont plus élevées (+18 %) que celles mesurées en 2021 autour du site non influencé de La Tardière, en Vendée. Des pics de concentrations de méthane ont été observés, surtout en fin de campagne, sous les vents de l’unité. Ces pics sont probablement liés à un dysfonctionnement au niveau des cuves à hygiénisation qui a entraîné un arrêt temporaire des systèmes de traitement d’air durant cette période. Si le méthane est un Gaz à Effet de Serre, il n’est pas toxique pour l’homme aux concentrations observées sur le site.
Sulfure d’hydrogène
Les niveaux en sulfure d’hydrogène n’ont pas dépassé le seuil olfactif (7 µg/m3, moyenne 30 minutes) durant la campagne. La valeur journalière maximale (3,5 µg/m3) correspond à 2 % de la valeur guide sanitaire de l’OMS fixée à 150 µg/m3.
Ammoniac
Les niveaux les plus élevés en ammoniac sont observés à proximité immédiate de l’unité et mettent en évidence que Rivergaz a une influence directe en limite de propriété, confirmant la présence des notes odorantes aminées relevées lors de l’approche olfactive à l’intérieur de l’unité. La portée de cette influence est quasi nulle puisque sur tous les autres sites, les niveaux sont environ 8 fois plus faibles et homogènes. La valeur maximale mesurée (37 µg/m3) correspond à 7 % de la Valeur Toxicologique de référence de 500 µg/m3.
Conclusions et perspectives : une influence peu décelable dans l’environnement
Au sein de Rivergaz, la zone de stockage gaz n’a pas présenté d’odeurs lors des relevés olfactifs réalisés. Les secteurs de stockage d’intrants et trémie sont les secteurs les plus odorants, avec la zone de stockage de digestat solide dans une moindre mesure. Le biofiltre permet d’éliminer plusieurs notes odorantes (notes irritantes, aminées scatol et soufrées) et de réduire les intensités de deux autres (acide volatil, alcool cinnamique).
L’analyse olfactive a permis de retrouver plusieurs notes caractéristiques de la méthanisation identifiées lors des deux investigations menées à AgriBiométhane et Derval Agriméthane : l’ammoniac, l’acide volatil et le scatol. Cette étude permet donc de confirmer le référentiel méthanisation du Langage des Nez® qui continuera à être exploité lors des prochaines investigations.
Dans les conditions des investigations, l’emprise odorante de l’unité dans son environnement est limitée à moins de 140 mètres (et à des intensités inférieures à 3 entre 50 et 140 mètres). Aucune odeur associée à l’unité n’a été observée au niveau des premières habitations, à environ 440 mètres au sud de l’installation, positionnées sous les vents lors des deux journées d’investigation (12 et 13 mai 2022).
Les concentrations des indicateurs dans l’air mesurées montrent une influence ponctuelle de Rivergaz sur les niveaux extérieurs de méthane. Pour les niveaux d’ammoniac, une influence directe est mise en évidence en limite de propriété mais pas au-delà. Les seuils sanitaires de référence sont respectés.