29/10/2015
- Émissions climat
Dans un contexte global chahuté, la question climatique est au centre des préoccupations politiques. Il s’agit même du problème environnemental le plus préoccupant pour les français selon la dernière enquête de conjoncture auprès des ménages. Conscientes de leurs responsabilités et pour relever le défi climatique, les collectivités se sont donc emparées du sujet, multipliant les actions et affichant des objectifs ambitieux de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre (GES).
Le point de départ de toute action territoriale repose sur une évaluation des émissions de GES : un inventaire. Cependant, face à la multiplicité de méthodes différentes et à leur complexité, il est souvent difficile d’apprécier la direction dans laquelle s’orienter.
Le projet BASEMIS-MRV propose aux collectivités un outil basé sur l’existant, tirant parti des spécifications onusiennes pour légitimer les résultats des inventaires tout en permettant de rejoindre des mouvements divers (voir ci-dessous).
les collectivités face au multi-reporting des GES
Constatant la volonté d’agir des collectivités, de nombreuses démarches internationales ont vu le jour, chacune proposant un cadre de rapportage des émissions de GES spécifique.
Certaines proposent des méthodes de calcul spécifiques, certaines sont obligatoires, et les collectivités veulent avant tout évaluer leurs efforts par rapport aux enjeux.
Pris séparément, le travail requis pour répondre aux différents cadres est très important. En revanche, une démarche intégrée permet d’optimiser les ressources nécessaires.
La mutualisation offerte par le projet BASEMIS-MRV permet de réaliser de substantielles économies de temps et de moyens.
des inventaires MRV au service des collectivités
les critères MRV
Les principes des critères MRV (Monitoring, Reporting and Verification en anglais) sont apparus lors du Protocole de Kyoto. Ces principes de suivi/mesure, rapportage et de vérification des émissions de GES ont été depuis développés et déclinés au cours des différentes Conférences des Parties de la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC).
La notion de « Monitoring », correspond à la capacité et à la mise en oeuvre du suivi et de la mesure des émissions de gaz à effet de serre recensés dans les inventaires.
La notion de « Reporting » correspond au format de restitution des résultats selon un format adapté à l’usage attendu (structuré et explicite), ce qui facilite l’utilisation de l’inventaire et l’appréciation de sa pertinence.
La notion de « Verification » tend à démontrer la fiabilité et rendre vérifiable un inventaire de gaz à effet de serre au regard d’objectifs qualité initialement définis.
Ces critères « M, R, V » se veulent ainsi garantir transparence, exhaustivité, cohérence, pertinence et précision aux résultats des inventaires.
les acteurs et objectifs
Les collectivités du Pôle Métropolitain Nantes Saint-Nazaire, de la Communauté Urbaine de Strasbourg, de la Communauté Urbaine du Grand Lyon et les AASQA (Associations Agréées de Surveillance de la Qualité de l’Air) Air Pays de la Loire, ASPA et Air Rhône-Alpes se sont associées autour du projet BASEMIS-MRV, avec l'appui technique du CITEPA, afin de permettre :
• La définition d’un socle méthodologique et de données commun à partir duquel une collectivité pourrait alimenter différents cadres nationaux et internationaux en respectant les critères MRV ;
• A moyen et long terme, de pouvoir valoriser, notamment financièrement, les réductions des émissions de GES.
quels cadres existants ?
Un cahier des charges général des inventaires MRV a été établi à la suite d’une étape de benchmark des différents cadres existants et des meilleures pratiques.
Les cadres retenus pour la réalisation des inventaires-test MRV sont :
• Le bilan GES réglementaire : ce cadre a été retenu car il s’impose aux communes et intercommunalités de plus de 50 000 habitants.
• La Convention des maires (CdM) car les communautés urbaines de Nantes Métropole, de Lyon et de Strasbourg en sont signataires.
• Le GPC Protocol développé par ICLEI et le C40 (Cities Climate Leadersheim Group) car les communautés urbaines de Nantes Métropole et de Strasbourg sont membres d’ICLEI.
avancées méthodologiques
Le projet BASEMIS-MRV a également pour but de clarifier comment utiliser certaines sources de données en fonction de chaque contexte. Des notes méthodologiques sont proposées pour éclairer un certain nombre d’interrogations dans les phases amont des inventaires :
- Ségrégation « territoire vs patrimoine » : pour la partie patrimoniale des émissions, il est recommandé de prendre en compte les activités pour lesquelles la collectivité conserve la responsabilité, quel que soit le statut sous lequel cette activité se déroule (délégation de service public, société publique locale…).
- Consommation d’électricité destinée à l’éclairage public : si la donnée du gestionnaire de réseau n’est pas disponible, la collectivité dispose généralement de cette information. Lorsque ce n’est pas le cas, il est proposé d’estimer la consommation à partir du nombre de points d’éclairage, de leur puissance et de la durée d’utilisation.
- Gestion des déchets de et par la collectivité : cette dernière concerne l’incinération, le compostage, la production de biogaz et le stockage des déchets. Cette note méthodologique a été établie pour faciliter la définition des données à collecter et permettre de bien appréhender les spécifications relatives à chaque cadre notamment au regard des émissions indirectes.
- Gestion des eaux usées et traitement des boues : selon les cadres de reporting, des recommandations et des explications relatives aux domaines couverts (stations d’épuration publique/industrielle, fosse septique, gestion des boues) sont apportées.
- Emissions liées à la production et à l’utilisation de l’électricité, de la chaleur ou du froid dans et par la collectivité : il s’agit d’une problématique souvent complexe sur le terrain du fait de la diversité des situations au regard des cadres de reporting. Des recommandations sont apportées quant aux différents usages de l’électricité, aux facteurs d’émission, à l’énergie verte et à divers points connexes (par exemple les émissions de SF6 associées à la distribution d’électricité).
principaux résultats et apports aux collectivités
La production d’inventaires territoriaux répondant aux caractéristiques MRV est possible
recommandations pour réaliser un inventaire MRV
Les nombreuses améliorations apportées à l’inventaire territorial MRV sur les territoires tests dans le cadre du projet, qu’elles soient d’ordre méthodologique, technique, ou relatives à la qualité, permettent de formuler quelques conclusions et recommandations pour le respect des critères MRV :
- Une bonne base de départ : le recours aux inventaires territoriaux menés initialement par les AASQA mobilisées dans le projet constitue une bonne base de départ qui ne suffit pas à assurer l’exhaustivité des sources : l’ajout d’éléments spécifiques requis pour les cadres de reporting choisis est nécessaire. C’est le cas par exemple de l’estimation des émissions de gaz fluorés qui a été ajoutée aux inventaires existants. L’établissement d’une liste des sources anthropiques prises en compte dans l’inventaire, leur correspondance avec un référentiel reconnu et les justifications de leur prise en compte ou de leur caractère négligeable est une procédure indispensable et à tracer.
- Cohérence structurelle et temporelle : pour chaque catégorie de source, année d’inventaire et gaz, les calculs et les méthodologies appliquées doivent être rigoureusement identiques afin que les différences observées d’une année à l’autre reflètent les tendances réelles dans les émissions.
- Précision : l’un des objectifs majeurs du projet est d’améliorer la précision, notamment par la mise en œuvre de méthodes adaptées à l’importance de la source et à la disponibilité des informations. Au final, la précision a effectivement été améliorée là où les données énergétiques locales ont pu être collectées.
- Comparabilité : la comparabilité entre inventaires n’est pertinente que lorsque le périmètre des sources prises en compte est explicite. Ainsi, la comparaison n’est en principe possible qu’au sein d’un même cadre et sous réserve d’une application correcte des règles d’établissement des inventaires. La transparence et une description explicite des champs couverts sont indispensables pour permettre une comparaison pertinente.
- Transparence : l’établissement des documents requis
- Dans le cahier des charges opérationnel d’un inventaire MRV et consultés lors de l’audit garantit une complète transparence dans l’exercice, tout en fiabilisant la chaine de calculs.
- Calcul des incertitudes : dans le cadre du projet Basemis-MRV, le calcul des incertitudes est mené conformément à la méthode de base préconisée par le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (« Good practice guidance and uncertainty management in national greenhouse gas inventories », GEIC, 2000).
alimenter différents cadres
Les travaux conduits ont permis de mettre en place des matrices relationnelles qui affectent chaque activité élémentaire de l’inventaire territorial (classiquement réalisé par l’AASQA) dans chaque case de reporting des différents cadres considérés. Ces matrices identifient également les données manquantes dans l’inventaire territorial pour lesquelles il est nécessaire de mettre en place un circuit pérenne de collecte d’informations au sein de la collectivité.
des inventaires formalisés et consolidés
L’atteinte du niveau qualitatif exigé par le cahier des charges MRV a demandé un investissement des AASQA portant sur la mise en place de procédures relatives à la réalisation, la validation et l’approbation de l’inventaire, le développement d’une documentation méthodologique et d’un plan d’amélioration de l’inventaire, l’adaptation de certaines méthodes et l’acquisition de données aussi spécifiques que possible du territoire, afin de correspondre aux critères de qualité, de précision, de transparence et de cohérence des inventaires MRV.
Ce projet a également été l’occasion pour les AASQA partenaires du projet de développer des méthodologies communes et facilement transposables pour le calcul des émissions de composés fluorés, et l’estimation des incertitudes de l’inventaire.
des inventaires validés « MRV »
Des audits ont été réalisés par le CITEPA auprès des trois AASQA impliquées dans le projet réalisant les inventaires afin de valider la bonne prise en compte des critères MRV et le respect du cahier des charges opérationnel.
Le projet démontre ainsi que pour la collectivité, répondre à différentes obligations réglementaires et/ou volontaires est, d’une part, possible et, d’autre part, réalisable en respectant les critères qualitatifs MRV avec un souci de cohérence et d’optimisation des moyens qui y sont consacrés.
Le passage par l’étape de l’audit est doublement profitable pour inciter à l’atteinte de l’objectif dans le délai prévu, bénéficier d’un regard externe indépendant assorti de pistes d’améliorations et valoriser la qualité des inventaires remis à la collectivité. Il en résulte des actions de réduction des émissions de GES basées sur des données plus fiables et dont le suivi sera d’autant plus précis.
Avec la réalisation de cette phase d’audits, l’ensemble des éléments du projet BASEMIS®-MRV ont été validés. Ils constituent une véritable « boîte à outils » (cahier des charges opérationnel type, guide d’audit, notes méthodologiques, etc.). Ces éléments sont assez facilement utilisables, le cas échéant avec quelques adaptations, par d’autres collectivités en France comme à l’étranger.
à terme, valoriser les actions de réduction des émissions de GES
La réalisation d’inventaires d’émission pérennes répondant aux critères MRV permet un suivi dans le temps de l’évolution des émissions de GES à l’échelle territoriale. Ce suivi permet la quantification annuelle des progrès réalisés à l’échelle des territoires dans le cadre d’actions d’atténuation mises en oeuvre à différentes échelles et par différentes parties prenantes.
A titre d’exemple, les émissions de GES évaluées sur une des agglomérations-test présentent une réduction globale (toutes activités prises en compte dans l’inventaire territorial) de 35 % entre 2000 et 2012.
Cette évolution, non linéaire, représente une réduction d’émissions annuelle moyenne d’environ 90 000 teqCO2 sur la période. Si l’on imagine une valorisation financière de ces réductions d’émissions en fonction d’un prix du carbone pour toute tonne réduite, le montant pourrait permettre de financer une action de sensibilisation/communication (en cas de prix faible), ou des projets très onéreux, comme la rénovation thermique des logements par exemple (en cas de prix de la tonne très élevé). Divers montages d’ingénierie financière pourraient aussi être imaginés (mécanisme de tiers-financement, etc.).
Télécharger la synthèse :